Amoureux des cépages et de la diversité, Raphaël Piuz a mis en place un « domaine conservatoire » avec une soixantaine de cépages, le Domaine des Dix Vins. Découvrez le parcours du vigneron-musicien !

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Peux tu nous parler du Domaine des Dix Vins ?

J’ai repris le Domaine des Dix Vins, un domaine familial à Hermance sur le Canton de Genève. Une des particularités du domaine, c’est le nombre de cépages très élevé par rapport à la norme. Nous avons actuellement 65 cépages différents sur 4 hectares ! La majorité d’entre eux sont des cépages dits « tolérants » ou résistants aux maladies, ce qui nous permet de réduire conséquemment le nombre de traitements, quel que soit le mode de culture.

Tu as des cépages préférés ?

Je les aime tous ! Ce qui m’intéresse, c’est la diversité. A la vigne, à chaque cep on rencontre quelqu’un de différent. Chez nous c’est même à chaque ligne qu’on rencontre une famille différente. La vie passe vite, on ne vinifie qu’une fois pas année, donc je n’ai pas envie de me limiter à 2 ou 3 cuves pendant les vinifications. Chaque année, je me mets un peu au pied du mur et je réapprends mon métier en imaginant de nouvelles voies pour accompagner tous mes cépages.

Y a-t-il des difficultés à avoir tant de cépages ?

Je pense que c’est assez similaire à un encépagement classique : chaque vigneron va avoir des affinités avec tel ou tel cépages. Pour ma part, je me suis tout de suite super bien entendu avec le Merlot. Donc ça a été facile ! Il y a en a d’autres, le Doral par exemple, avec qui ça a été plus difficile : j’ai mis plus de temps à trouver le bon chemin avec ce cépage. Quelques fois, j’aimerais pouvoir vinifier plus régulièrement, comme les brasseurs que j’envie car ils peuvent brasser toute l’année. J’aimerais pouvoir multiplier les essais, mais ce n’est pas possible en viticulture.

Où trouves-tu tous ces cépages ?

Il y a quelques années, j’ai fait beaucoup de musique et ça m’a permis de beaucoup voyager ! A chaque concert, j’allais visiter des vignerons, des pépiniéristes et des conservatoires. Ca m’a ouvert des perspectives de diversité, de variétés anciennes et nouvelles… J’ai goûté des choses excellentes que je voulais planter chez moi, mais quelque fois ça ne fonctionne juste pas. Par exemple, j’aime profondément la Petite Arvine, mais je pense qu’elle n’aurait pas sa place chez moi. Tous les cépages que j’ai plantés le sont avant tout pour des questions d’aptitudes culturales. Je vais me planter dans certains cas mais on a une chance énorme de pouvoir essayer et tester. Il n’y a que l’expérience qui va nous dire si le choix était bon ou non. Surtout avec la vigne, il faut souvent 10, 15 ou 20 ans pour avoir le recul nécessaire pour constater son erreur ou sa réussite.

Tu as des régions viticoles de référence ?

Je trouve que la vigne est belle partout. Celles et ceux qui l’accompagnent sont également très beaux partout. Ce qui me touche particulièrement en Suisse ou ailleurs, tant qu’on parle de structure à taille humaine, c’est l’interaction entre des personnalités, des lieux de vie, un terroir, des cépages et l’infinie diversité de possibilités qui en découlent. J’aime beaucoup cette diversité.

Quelle est ton approche de la biodynamie ?

J’ai été d’abord sensibilisé à la biodynamie par le biais du jardin potager. J’applique l’approche biodynamique sans être extrémiste. C’est plus une sensibilité et une dynamique d’accompagnement. Si je voulais y associer un terme spécifique, ce qui m’importe c’est de faire une viticulture écologique. Donc si je peux emprunter à l’agriculture biologique ou la biodynamie, voire à la permaculture, ça fait du sens. Tant que je peux regarder un millésime et avoir le sentiment d’avoir fait le minimum d’interventions, de traitements, d’utilisation de machine… la dynamique est là. J’ai aussi la chance d’avoir une des dernières sources d’eau potable ferrugineuse et magnésienne de la région. Je l’utilise pour traiter mes vignes.

Au fond, c’est super d’avoir la tête dans les étoiles, à partir du moment où on a bien les pieds sur terre. Je ne vais pas suivre quelque chose aveuglément parce que le calendrier lunaire me le dit. Je trouve ça intéressant de s’en inspirer mais je me méfie toujours un peu des approches trop dogmatiques. La question que je me pose c’est : pourquoi fais-tu les choses ?

Comment parles-tu de ton encépagement aux clients ?

Mon but c’est de vendre du vin, pas de vendre du vent ou des histoires. Le vin doit parler lui-même de son propre propos ! Je réponds volontiers aux questions et je partage ce que je sais, j’ai d’ailleurs plein d’anecdotes à raconter. Mais je pense qu’avant tout c’est le vin qui doit donner envie d’en savoir plus, et pas l’inverse.

Tu aurais une anecdote sur un de tes cépages ?

J’ai découvert un cépage au Japon, le Delaware. On était en tournée à côté d’Osaka et je suis allé visiter une vigneronne après une courte nuit. En arrivant, j’ai été frappé par la vue des collines environnantes, couvertes par des serres. J’ai appris que les vignes étaient en fait cultivées sous celles-ci. Historiquement, ils faisaient beaucoup de raisin de table et pour la vente de fruit c’est souvent le premier à pouvoir fournir qui a les meilleures conditions de vente. Désormais, ils commencent à mettre en place des modes de culture plus proches des pratiques en Europe. On a gouté plusieurs de ses vins qui étaient très sympas. J’ai été charmé par le Delaware, qui présentait une trame aromatique entre un chardonnay très exotique, des notes de Sauvignon et une fibre tendant vers le Riesling. Presque tous mes cépages ont une histoire, guidée par mon émotion de l’instant. Le vin est un vecteur de vie, d’émotion et de rencontres.

Quels sont les projets pour le Domaine des Dix Vins ?

J’aimerais avoir des journées plus longues !! Plus sérieusement, je vais continuer l’implantation de nouveaux cépages. Difficile de dire jusqu’à quand, mais je devrais bien m’arrêter à moment donné. J’aimerais avoir 200-300 m2 par cépage pour me créer un grand clavier de composition, créer des accords toniques ou langoureux. Je pense aussi faire des essais avec de la présence animale dans la vigne, des plantes aromatiques entres les ceps… Il y a beaucoup de projets qui se mettent en place au fur et à mesure.