Interview d’Etienne Javet de chez Javet et Javet au Vully. Il nous parle de la philosophie du domaine et de leur recherche de faire des grands vins natures !

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Etienne Javet.
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Qui sont Javet et Javet ?

Nous sommes vignerons artisans et encaveurs à Lugnorre, dans le Vully fribourgeois, directement à côté du Vully vaudois. Ca a été « Javet et Javet » dès le début et ça reste une histoire de famille ! J’ai longtemps travaillé avec mon père, désormais retraité. Je travaille beaucoup avec mon frère qui gère notre image, nos étiquettes, nos lieux d’accueil. Il a aussi la pensée spirituelle du domaine !

La famille a de la vigne depuis 6 générations ! Mon père vendait le raisin. J’ai décidé de suivre la même voie et j’ai fait un apprentissage de vigneron. Quand j’ai repris, on était dans les années 2000, donc un moment assez particulier pour le marché du raisin. On s’est rendu compte qu’il fallait autre chose que le vendre pour vivre. En parallèle de mon école d’ingénieur, j’ai commencé à vinifier avec nos raisins et on a démarré réellement en 2004.

Quelle est la philosophie du Domaine Javet et Javet ?

Nous cherchons à faire des choses très bonnes, dans la mesure de ce que nous pouvons faire avec notre domaine de 4 ha. Nous faisons tout nous même de A à Z. C’est facile à dire, mais on essaie d’être très éthiques tout au long du processus, autant avec l’environnement que la plante. Nous sommes d’ailleurs labélisés en Biodynamie. On n’a rien à cacher puisqu’on ne met presque rien d’autre que du raisin et ça nous permet de parler ouvertement de ce que nous faisons.

Tu peux nous parler de la charte des vins natures ?

Je pense que les choses vont de plus en plus vite et on doit se renouveler tout le temps pour exister sur le marché. Finalement, on vit quand on vend uniquement, malheureusement. Il y a 20 ans on pensait que les bons vins « bios » n’existaient pas. Ca fait 10 ans qu’on voit que ça fonctionne. On a beaucoup réduit les produits en vignes, déjà dès la génération précédente, notamment avec des tisanes, un peu de cuivre et de soufre. Puis on a commencé à réduire les quantités de sulfites dans les vins: on a vu que ça fonctionnait. On s’est donc dit « pourquoi ne pas les éliminer totalement ? », et ça fonctionne aussi ! Nous défrichons encore la route, ce qui est hallucinant puisque c’est comme ça que les vins étaient fait il y a quelques siècles… On le fait parce que c’est génial, palpitant.

Il faut être très pointu pour avoir des vins natures propres. Faire des vins pas terribles en nature, ça fonctionne, mais faire des bons, c’est plus compliqué. Pour moi, on avance dans le sens logique, avec d’autres vignerons. Travailler sur ces sujets seul, c’est pas évident ! On va de plus en plus loin et c’est génial ! Je ne sais pas si on arrivera à faire toutes nos cuvées absolument sans soufre mais ce serait le paradis.

Nous n’avons pas forcément besoin du terme « nature » pour vendre, puisque nous faisons beaucoup de vente directe. D’ailleurs tant que la charte n’était pas définie, je ne voulais pas utiliser le mot « nature ». Maintenant à voir pour la suite si on le mettra sur l’étiquette. Ce qui est sur c’est que nous produisons quelques milliers de bouteilles: il est clair qu’à nous seuls, nous n’allons pas réussir à faire connaitre les vins natures.

Aurais-tu des recommandations de vignerons suisses ?

Oui, mes potes vignerons qui sont aussi en nature et avec qui nous avançons un peu tous ensemble ! Je citerai le Cru de l’Hôpital dans le Vully et Anne-Claire Schott qui est très connue pour ses natures. Evidemment les Besson-Strasser sur le canton de Zurich ! Tom Litwan, même s’il est un peu moins nature mais il y vient gentiment. Enfin c’est clair, le Domaine Cruchon et le Domaine La Colombe ! Nous essayons de cultiver une culture de l’échange et de la communication les uns avec les autres.

Comment présentes-tu la région des trois lacs ?

La région des 3 lacs c’est toujours un peu compliqué de généraliser parce qu’on a un grand lac et deux lacs plus petits sur la carte. Climatiquement nous sommes très semblables ! Géologiquement par contre, nous sommes assez distincts: côté pied du Jura suisse (Bienne, Neuchâtel) on trouvera du calcaire, tandis que nous sommes plutôt sur de la molasse gréseuse, donnant des sols limoneux-sableux. C’est vraiment une autre dynamique. C’est un sol assez fertile et puissant pour de la vigne. En même temps, comme il est très drainant, la vigne s’y plait bien ! Cette molasse donne des aromatiques très fines, notamment sur les Traminer. On aura plus de peine à avoir de la structure sur les rouges mais on y vient.

Historiquement le Vully est plutôt planté en blancs, mais chez nous nous avons une majorité de rouges. Je crois que j’ai trouvé comment faire pour avoir de beaux rouges avec ce terroir.

Si on prend plus de distance, c’est la plus petite appellation suisse avec 150 hectares sur deux cantons. Une de nos forces c’est qu’il y a beaucoup de petites caves sur cette petite surface, sans avoir de très gros acteurs ou de coopératives. On travaille donc tous avec des collègues de taille similaire. Nous avons une image assez forte et on arrive à bien travailler ensemble, ce qui n’est pas le cas partout.

Tu peux nous parler d’une de tes cuvées ?

J’ai choisi « aime-terre », un pinot noir sans sulfites ajoutés sur 2020. C’est un vin que nous faisons sans soufre depuis quelques années maintenant, justement en échangeant avec l’équipe que je mentionnais avant. On est sur un produit génial: il n’y a que du raisin et on arrive sur un vin très fruité-croquant. En bouche c’est super gourmand. Le soufre va toujours fermer et durcir les vins. Sans soufre, la cuvée est déjà prête à boire !

Comment le Pinot Noir est-il arrivé dans le Vully ?

Je n’ai pas beaucoup plus d’éléments que ce qui se dit déjà largement… Nous ne sommes pas pas loin de la Bourgogne, avec un climat relativement similaire. Le Pinot noir est le cépage rouge historique, toujours présent dans la région. Au Vully, la plus ancienne mention de vignes date de 890 je crois.

Peux-tu nous parler d’une dernière création de chez Javet et Javet ?

On a tout le temps des essais en cours… on peut dire qu’on ne fait presque que ça ! Nous creusons beaucoup dans les macérations, notamment dans les rouges. Nous avons une approche « bêtement » bourguignonne: les plus possible raisins entiers, foulés aux pieds. Pour les blancs, on fait également beaucoup de macération: pas nécessairement pour marquer le vin en mode « vin de macération », mais pour gagner en tension. Tout cela nous ouvre un monde incroyable… Après, sur 25 000 bouteilles, on est quand même limité ! On rêve de limiter un peu notre catalogue mais au final, chaque année il devient plus large !

Un petit mot à rajouter ?

Nous avons de la chance: nous faisons un métier super cool, qui a une grande histoire et tradition. Il pourrait y avoir un poids de ce fait, mais je ne ressens pas cela. On peut être très novateur ! Aussi, dans nos petites structures, on peut avoir le retour du client immédiatement. On sait tout de suite si ça passe, si les gens aiment ! En général c’est très agréable puisque les gens qui viennent chez nous nous disent que ce qu’on fait est bon !