Première capsule-interview sur le vignoble helvétique et les vins suisses ! Journaliste spécialisé en vins, Pierre THOMAS arpente les caves et les vignobles suisses depuis une trentaine d’années. Il fait aujourd’hui référence dans le monde du journalisme oeno-gatronomique en Suisse. Le passionné de vin nous fait l’honneur de nous ouvrir sa porte et de répondre aux questions de la sommelière.

C’était l’occasion parfaite pour faire une rétrospective sur le vignoble et le vin suisse des années 90 à aujourd’hui. De quoi tordre le cou aux préjugés qui disent que « le vin suisse est cher » et de se rendre compte de la diversité des terroirs suisses…

Illustration du livre sur le vignoble suisse et les vins suisses du Journal du Sommelier

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Interview intégrale de Pierre Thomas

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Qui êtes-vous Pierre Thomas ?

J’ai démarré comme journaliste généraliste et j’ai fait toute sorte de choses en Suisse Romande dans ce domaine. A moment donné j’étais en poste à Nyon, en tant que rédacteur en chef du Journal de Nyon, que j’ai notamment transformé en Quotidien de la Côte.

A la fin de mon mandat, dans les années 1990, comme je m’intéressais au monde du vin depuis longtemps, j’ai décidé d’aller faire le cours de « marchand de vin » à l’école de Changins. En 6 semaines on apprenait d’une part les bases de la dégustation, et d’autre part la législation des vins en Suisse. Cette dernière était très libérale à l’époque, notamment en ce qui concernait le coupage.

C’était une période un peu curieuse et ce n’est pas peu dire qu’en 30-40 ans, les choses ont très largement changées.

Comment les choses ont-elles évoluées pour la législation sur les vins en Suisse ?

La communauté européenne a largement fait pression sur la Suisse pour que le pays ne soit pas un cas particulier au sein de l’Europe géographique et arrête d’importer tout ces vins étrangers destinés au coupage. Même les italiens, les espagnols ou les français qui vendaient du vin à la Suisse ont également fait pression pour que la situation change. La Suisse a donc du prendre des mesures.

C’est notamment suite à cela que sont apparus les appellations d’origines contrôlée en Suisse. Elles n’existaient alors que de manière très partielle. Rappelons qu’aujourd’hui encore, la définition des AOC en Suisse dépend des cantons. Donc la notion de Grand Cru, de Premier Grand Cru ou de Premiers Crus, varie beaucoup d’un canton à l’autre… Cela complique encore beaucoup les choses pour le consommateur.

Un deuxième changement majeur des 30 dernières années a été la limitation des récoltes. Au départ l’objectif était plus quantitatif que qualitatif. Avant la mise en place de ces quotas, il y avait des phénomènes de production en yoyo. La confédération a donc régularisé cela. Il s’est avéré qu’en produisant moins, la qualité s’est aussi améliorée, ce qui conduit aujourd’hui à voir la limitation des quotas comme un levier qualitatif.

Un dernier changement sur la régulation des vins en Suisse a été l’évolution des barrières douanières. La Suisse a longtemps été très protectionniste sur l’importation des vins blancs et beaucoup moins sur les vins rouges. La Suisse a toujours importé environ 2/3 de vins rouges étrangers et produisait beaucoup de vin blanc pour répondre à la demande domestique. La modification des règles douanières a donc créer un grand tournant pour le marché du vin en Suisse avant les années 2000.

Comment voyez vous l’avenir du vignoble suisse ?

Il est toujours difficile de faire des paris sur l’avenir ! Je pense néanmoins que la Suisse devrait adopter une législation proche des modèles IGP/AOP européen. Les milieux vitivinicoles y sont réticents.

Sur ce point, il faudrait aussi que les autorités fédérales reprennent peut-être le sujet en main et ne laissent pas toute la responsabilité aux cantons. Il faut que la législation vitivinicole en Suisse soit la même qu’on se trouve à Genève ou dans les Grisons. C’est difficile pour le consommateur de comprendre vraiment la raison d’être des différences actuelles. Je pense que pour le vin, ce serait une bonne chose.

Quelle est votre vision des terroirs suisses ?

On parle beaucoup de législation pour le moment, mais il faut comprendre qu’il s’agit d’un cadre qu’il faut bien poser. La Suisse est très libérale ! On peut faire toutes sortes de vins, avec tous les 200 cépages enregistrés au niveau fédéral. Donc au fond, la notion de terroir est peut-être un peu gommée par l’effet cépage. Il faudrait maintenant reprendre, redéfinir les grande identités.

Il y a un virage qui a été pris dès la chute des barrières douanières: comme on n’a plus protégé autant les vins blancs, il y a eu un regain d’intérêt pour la production de vins rouge. Le Tessin était déjà converti depuis longtemps avec un cépage bordelais, le Merlot. Les Grisons connaissaient déjà le Pinot Noir depuis longtemps. Mais globalement, il y a eu de nouvelles plantations partout et une redistribution des cartes en 30 ans.

On a recommencé à faire des nouveaux vins, de nouveaux essais. La Suisse est une sorte de nouveau-monde du vin au sein de l’Europe. L’avantage c’est que nous avons encore une grande liberté d’expression et de création: faisons nous des vins régionaux ? des vins de cépages ? La Suisse est un vignoble compliqué à comprendre à cause de cela.

Quelle est la place de l’agriculture biologique pour le vignoble suisse ?

La Suisse s’est bien rendue compte qu’il n’était plus possible de faire de la production et de faire « pisser la vigne ». Ce raisonnement à eu un gros effet qualitatif et donc la régulation du rendement est devenue systématique. Cette régulation des rendements passe par beaucoup de travaux en vert en vigne, incontournable en viticulture conventionnelle.

Les vignerons se sont rendu compte que les pratiques de l’agriculture biologique menait à une diminution du rendement: exactement un des objectifs recherchés. Donc au fond, aller vers le bio semble logique et naturel. Compte-tenu aussi du changement du climat, on a aussi constaté que l’agriculture biologique devenait plus simple à mettre en place en Suisse.

Comme souvent, il y a eu de très bons vignerons, initialement en viticulture conventionnelle, qui ont transitionné vers l’agriculture biologique. Par l’exemple, ils créent un précédent.

Que pensez-vous des nouveaux cépages en Suisse ?

Le principal créateur de cépages en Suisse, c’est Valentin Blattner. Il n’est pas bien reconnu en Suisse par les instances officielles bien qu’il a développé des croisements très intéressant. Par exemple, il est le père du Cabernet-Jura.

Les cépages résistants d’aujourd’hui sont surement une voie intéressante. Le consommateur y est déjà sensible et peut déjà recevoir favorablement des goûts nouveaux. Il aime découvrir des choses nouvelles, donc de ce point de vue, les nouveaux cépages sont des opportunités. Si en plus de cela, ces cépages permettent de réduire ou éliminer les traitements, c’est une avancée majeure ! Toutes les régions viticoles du monde ne l’ont pas compris, mais je crois qu’on commence à le comprendre en Suisse.

Les vins suisses sont-ils trop chers ?

Il est clair que le vin suisse ne représente rien dans la hiérarchie mondiale du vin. On peut considérer que comme les volumes sont réduits, la rareté a de la valeur. La plupart des vins suisse sont toujours produit à de 2’000 à 10’000 bouteilles ! Donc on est toujours en train de boire une vraie rareté. De ce point de vue, est-ce vraiment si cher finalement ?

L’autre défi, c’est le prix en restauration, réhaussée de la marge du restaurateur. Cela peut amener un vin suisse à être dans des gammes de prix comparables à des bordeaux. Le consommateur peut ne pas comprendre, parce qu’il a une image très favorable des vins de Bordeaux, comme un produit de luxe. Les vins suisses ne sont que très rarement perçus comme des produits de luxe par les consommateurs, alors que sa rareté est évidente. Si on fait la balance qualité, rareté et image, le vin suisse n’est pas si cher que ça.

En Suisse, nous avons les vins bon marché les plus chers du monde, mais aussi les vins haut de gamme les moins chers du monde !

A votre avis, quel est l’impact de la Covid-19 ?

Pour le marché du vin, en restauration, c’est une catastrophe. Par contre, on ne connait pas encore les chiffres réels pour le marché du vin en général. Je crois que les vins suisses ont bien défendu leur image sur le marché domestique pendant la pandémie. Ca a été l’occasion de découvrir ou redécouvrir le vin suisse et de se rendre compte qu’on a tout sous la main localement.

Quels sont vos derniers coups de coeur vineux ?

J’ai des goûts finalement assez traditionnels. Je suis très attaché aux producteurs de la Mémoire des Vins Suisses. J’aime beaucoup les vins simples et faciles à boire !

Je pourrais citer Henri Valloton: il fait un vin de Durize assez particulier. J’ai trouvé ce vin magnifique, avec une fraicheur remarquable, peu marqué par le bois. Ca ressemble à de la bandola ou à la mondeuse. C’est un vin fait simplement, pas si cher que ça et qui me procure beaucoup de plaisir.

Je peux parler aussi des magnifiques gamay de Sarah Besse. Son père Gérald Besse a fait un gros travail pour défendre le gamay sur les granits de la veine du Mont Blanc à Fully-Martigny. C’est un terroir granitique très intéressant pour le Gamay. C’est ça que j’aime dans les vins suisses.

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L’écri-vin partage sur son blog [ www.thomasvino.ch ] toute l’actualité des professionnels de l’Épicure, ses découvertes gourmandes à boire et à manger, des reportages sur les vignobles d’ici et d’ailleurs… Un site fait pour tous les épicurieux.

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