Laura Paccot reprend progressivement le Domaine La Colombe sur les bords du Lac Léman, à Féchy, prenant la suite de ses parents Raymond et Violaine Paccot. Après des études à l’Ecole d’Hôtellerie de Lausanne (EHL), Laura sent que son avenir sera entre vigne et cave. Une expérience dans un domaine sud-africain finira de la convaincre. Elle parachève sa formation avec un apprentissage en viticulture pour magnifier la vigne et les vins à venir.
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Dans cette interview, Laura Paccot partage la philosophie de son domaine familial et ses idées pour poursuivre la quête des très grands vins
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Qui êtes-vous Laura Paccot et où sommes nous ?
Je reprends le domaine familiale, le Domaine La colombe, situé à Féchy sur la Côte Vaudoise. Nous réalisons l’interview sur un de nos parchets de vigne, « le petit clos », de l’appellation Mont-sur-Rolle. Cette vigne appartenait à ma mère, ses parents ayant été aussi vigneron. C’est un lieu que nous aimons beaucoup.
Comment grandit-on dans les vignes ?
Avec ma soeur, on a participé à tous les travaux de vigne mais nous n’avons jamais eu l’obligation de le faire. Ma mère a du aider durant son enfance après l’école et c’est quelque chose qu’elle ne voulait pas pour nous. On l’a toujours fait par plaisir, pour aider aux mises en bouteilles, pour gagner quelques sous, ou simplement pendant les vendanges. C’était toujours un plaisir et il n’y a jamais eu de pression familiale.
Quel est ton parcours dans la vie ?
J’ai commencé à l’Ecole d’Hôtellerie de Lausanne, des études très générales en hospitalité. Je me suis investi dans un comité de vin et organisé des événements chez des vignerons. A moment donné, mon père m’a demandé de me positionner, simplement pour anticiper l’avenir pour l’entreprise. J’ai fait un stage en Afrique du Sud dans un domaine viticole, et ça m’a confirmé que j’aimais vraiment ça. J’ai ensuite entamé un apprentissage en viticulture, pour vraiment passer par tous les travaux de production et j’ai vraiment adoré. Je continue à dire que c’est le meilleur métier avec une grande variété de tâches, à la vigne, à la cave.
Comment se passe la transition au domaine La Colombe ?
Avec mon père, on réfléchit de la même manière donc ça se passe très très bien. Evidemment, on peut se froisser de temps à autre, mais ce n’est jamais très long. On se voit tous les jours. Il n’y a aucun conflit de génération. Au contraire, si j’apporte des idées mon père va me soutenir. On y réfléchit ensemble, il partage son expérience et j’accepte de me faire challenger.
J’ai de la chance parce que mes parents sont très modernes, curieux des nouveautés, notamment en ce qui concerne la biodynamie. Ma mère reste aussi un membre important de l’entreprise. On porte un peu tous les trois la responsabilité de fonctionnement du domaine.
Trouve t’on déjà ta touche personnelle dans le domaine ?
Je pense que les changements ont déjà commencé. Souvent on veut que la nouvelle génération apporte des grandes nouveautés. Mais comme je l’ai dit, nous ne sommes pas du tout dans un conflit ou une rupture de génération. Il y a probablement un mélange entre ce que j’apporte et ce que mon père apporte, une continuité qui évolue.
J’ai envie d’aller plus loin sur certaines choses, comme planter des arbres dans les vignes et créer de petits écosystèmes. J’aimerais aussi un peu réduire le nombre de cépage et aller plus en profondeur dans le travail de ceux que l’on conservent.
Quelle est la philosophie du domaine La Colombe ?
Mes parents ont commencé les premiers essais en biodynamie il y a plus de 20 ans. A l’époque, l’accès au savoir, aux préparations ou à la formation n’était pas aussi simple qu’aujourd’hui. Il n’y avait personne en Suisse qui s’y connaissait, peut-être un peu Marie-Thérèse Chappaz, mais elle en était encore à ses débuts aussi. En théorie, la biodynamie impose de travailler autour du domaine, avec des animaux sur l’exploitation. Or notre domaine est plutôt éclaté, nous n’avons pas un chateau au milieu de nos vignes. Il a donc fallut apprendre et adapter.
François Bouchet, de la Vallée de Loire, nous a beaucoup aidé à passer le cap. Il est venu plusieurs fois sur place pour nous conseiller et nous a fourni les préparations biodynamiques durant plusieurs années, notamment pour les composts. Mes parents ont constaté des résultats positifs et ont poursuivi le travail.
On a aussi un important travail en cave. On essaie d’intervenir le moins possible et de rester le plus authentique, le plus nature possible; ce qui demande de maitriser ce qu’on fait. On limite fortement les intrants qu’on ne comprend pas. Cette approche nous permet de redevenir maitre de la vinification et redonne une grande responsabilité au vigneron. On n’est pas dans l’application d’un kit ou d’une recette.
Quelle est la place du chasselas à Féchy ?
C’est vrai que Féchy reste une très forte appelation pour le chasselas, présent à près de 95% ici. Sur tout le Canton de Vaud, on ne va jamais boire un cépage, on va boire un village: du Féchy, du Mont-sur-Rolle, du Saint-Saphorin. On ne le dit jamais, mais c’est évidemment du chasselas à chaque fois.
Le chasselas est présent sur la bassin lémanique depuis plus de 1000 ans. Cela a été montré par le généticien José Vuillamoz. On a donc une très grande diversité de chasselas et un patrimoine incroyable. Il est globalement très bien adapté à notre région.
Maintenant, j’aimerais travailler plus particulièrement sur certains types de chasselas et approfondir le travail sur chacun. J’aimerais jouer avec les parcelles et les sols différents. En vinification, le champs des possibles est également immense ! On fait des variations d’élevages, en foudre, en cuve, sur grosses lies… on peut faire des chasselas macérés, des pétillants naturels… il y a tellement d’essais possibles.
Peux-tu nous parler un peu plus de chasselas ?
Pour quelqu’un qui ne connait pas le cépage, on peut se dire qu’il n’est pas épatant immédiatement puisqu’il n’est pas sur l’exubérance aromatique. Il demande peut-être une introduction pour le découvrir.
Il n’a généralement pas trop d’alcool, ce qui devient un gros avantage avec le réchauffement climatique et donne des vins très digeste. On va pouvoir jouer sur les subtilités de textures de bouche, plus grasse et ronde sur argile, plus ciselé sur calcaire. Pour moi, ce cépage est plein de subtilité et doté d’une grande finesse, plus comme un Pinot Noir en rouge.
Comment le Domaine La Colombe s’implique t’il dans la communauté viti-vinicole ?
Nous faisons partie de l’association Arte-Vitis, dont le but est de rassembler toutes les régions viticoles du canton. On se rassemble tous les ans pour parler de nos problématiques locales. C’est toujours très intéressant d’échanger avec des collègues rencontrant les mêmes problèmes que nous.
On participe aussi au groupe « La mémoire des vins suisses », crée initialement pour communiquer le grand potentiel de garde des vins suisses. Cela nous a permis de créer des liens vraiment forts avec d’autres vignerons en Suisse, notamment Denis Mercier en Valais et indirectement Daniel Marugg dans les Grisons. J’ai eu la chance de faire un passage chez eux et ça crée des liens.
Mon père est aussi chancelier de l’académie internationale du vin, avec de très nombreux vignerons du monde entier. C’est beaucoup d’échanges et de discussions philosophiques.
Peux-tu nous parler du projet de conservatoire du chasselas ?
Louis-Philippe Bovard (Cully) nous a proposé de planter un conservatoire des différentes variétés de chasselas sur la Côte. Lui-même à crée un conservatoire sur Lavaux il y a 10 ans. Nous avons inauguré le conservatoire sur La Côte il y a 4 ans.
Il y a une diversité infinie de type de chasselas en fait. Avec le jeu des mutations hasardeuse au cours du temps, différentes variétés de chasselas sont apparues et l’Homme les a jugé intéressantes. Les différences génétiques sont minimes, mais d’un point de vue oenologique, les impacts sont importants. Dans le conservatoire nous avons les 5 variétés principales pour notre région: le fendant roux, le fendant vert, la blanchette, le giclet et le bois rouge. Dans un premier temps, nous allons les vinifiés individuellement en partenariat avec Louis-Philippe Bovard et Agroscope.