L’ordre religieux…
C’est en 1084 que Saint Bruno fonde l’ordre des Chartreux.
Avec six compagnons il trouve le lieu idéal du massif de la Chartreuse pour suivre une vie monastique. L’isolement de ce lieu lui vaut même le nom de «désert ». L’ordre religieux s’est organisé au fil des siècles autour des
activités religieuses des moines.
Deux statuts sont créés : les pères et les frères.
Les premiers consacrent leur temps à l’étude de textes religieux et à la prière. Les frères ont en plus, la lourde tâche de subvenir aux besoins de tous les occupants du monastère.
Le symbole de l’ordre des Chartreux représente une croix sur le monde. Il illustre leur devise : « Le monde change, la croix demeure ». Les sept étoiles représentent quant à elles Saint Bruno et ses six compagnons qui ont fondé l’ordre.
« Le monde change, la croix demeure. »
Les moines vivent dans le silence, ils ne parlent presque jamais.
La plupart de leurs repas sont servis dans leurs cellules, une petite pièce sobre et sans confort où les religieux passent la plus grande partie de leurs journées, en solitaire…Une vie au rythme de la prière et des tâches quotidiennes de la vie monastique. Le chemin pour intégrer l’ordre des Chartreux est long. Sept années d’isolement dans le monastère, puis un vote des représentants de l’ordre… Le choix de cette vie monastique est une vocation pour les moines intégrant l’ordre des Chartreux.
Les valeurs de l’ordre sont :
pérennité, sobriété et symbolique.
Plus de 900 ans plus tard, le monastère de l’ordre des chartreux abrite toujours une trentaine de moines qui perpétuent cette tradition. Durant ces neuf siècles l’ordre s’est développé dans toute l’Europe. Aujourd’hui 24 monastères actifs existent encore.
Histoire de la liqueur…
Afin de subvenir à leurs besoins les moines ont exercé au fil des siècles plusieurs métiers : éleveurs, bûcherons, maîtres de forges… et distillateurs.
En 1257, Louis IX (Saint-Louis), Roi de France, demande aux Chartreux de créer un monastère à Vauvert. Les moines créèrent, avec le couvent, un jardin et un verger… L’actuel jardin du Luxembourg. Un lieu alors isolé de l’effervescence de la ville.
Aux XIIIème et XIVème siècles les routes commerciales vers l’Est permettent aux moines de collecter une selection de plantes de tous horizons. Les jardins du monastère s’enrichissent au fil des découvertes pour devenir à l’époque la plus grande collection de plantes d’Europe.
La première trace du manuscrit renfermant la recette de la Chartreuse date de 1605.
En 1605, un mystérieux manuscrit, écrit en vieux français, est donné par le Maréchal d’Estrées aux Chartreux de Vauvert à Paris. On est alors en pleine
période de la Renaissance. La discipline de l’alchimie est à son paroxysme en Europe. L’ouvrage contient une liste de 130 plantes accompagnée de dosages avec pour mesure, la poignée. Sans doute la recette de l’Elixir de longue vie.
« Depuis cette époque les recettes restèrent inchangées et secrètes. »
En 1735 Dom Michel Brunier de Larnage alors au monastère de la Grande Chartreuse, fait venir ce manuscrit. Sur place le moine apothicaire, frère Jérôme Maubec, travaille sur ce mystérieux grimoire pour en fixer une recette définitive en 1737… Le premier « Elixir Végétal de la Grande Chartreuse » est né, tirant alors 71° son taux d’alcool sera abaissé en 2010 à 69° suite à une directive européenne. En dehors de cette adaptation, la recette restera inchangée. Ce célèbre élixir est commercialisé, dans une petite fiole de 10 cl enfermée dans une boite en bois.
Les moines continuèrent à travailler autour de cette recette de base. Ils créent en 1764 la Chartreuse verte, en 1838 « la reine des liqueurs » : la Chartreuse Jaune, de 1860 à 1900 la Chartreuse blanche… Et tant d’autres !
Seuls deux moines connaissent les compositions et les recettes pour élaborer les Chartreuses…
Fabrication de la Chartreuse,
ce que l’on sait…
Les 130 plantes (épices, racines, écorces, feuilles…) composant les Chartreuses sont livrées séchées au monastère. Dans la salle des plantes, elles sont alors triées et réparties par les religieux, dans des sacs de jute numérotés. Les mélanges sont ensuite emmenés à Voiron pour être distillés et/ou macérés puis assemblés et colorés. Tout le processus de fabrication est précieusement gardé secret.
Une fois préparés les élixirs sont mis dans des foudres pour un
vieillissement plus ou moins prolongé dans la plus longue cave à liqueur du monde… 164 m !
Cette cave contient de très vieux foudres : certains, originaires de Russie et de Hongrie, ont plus de 130 ans !
Les tonneaux plus récents viennent de France, et sont fabriqués par la tonnellerie Taransaud.
La Chartreuse jaune, serait élaborée sur une base d’eau de vie de vin colorée au safran et sucrée au miel.
La Chartreuse verte, à base d’alcool de betterave garde tout son secret quant à sa coloration…
Quelques laïques aident à la fabrication : à l’aveugle, ils s’exécutent sous le contrôle des deux moines détenteurs de la recette originelle.
Les foudres, utilisés uniquement pour apporter une micro oxygénation à la liqueur, reçoivent un traitement tout particulier : ils sont remplis d’alcool durant 12 à 24 mois. Le goût du bois est ainsi éliminé et n’impacte pas les liqueurs.
Le contenu de chaque tonneau est régulièrement testé par les moines. Ils sélectionnent ainsi les meilleurs lots qui feront les VEP (Vieillissement Exceptionnellement Prolongé) jaune et verte. Ces liqueurs continueront de s’affiner au minimum 10 ans…
L’exiguïté de cette cave a nécessité de monter sur place, douelle par douelle, tous les contenants !
Histoire de la distillerie…
De 1737 à 1860 les premières Chartreuses voient le jour au
monastère de la grande Chartreuse. Frère Charles assure leurs ventes. Il descend à pied, accompagné d’un mulet, sur les marchés de Grenoble et de Chambéry.
Le succès des liqueurs est tel que l’espace vient à manquer au monastère pour leurs productions. En 1860 la distillerie est alors délocalisée à Fourvoirie, sur la commune de Saint-Laurent-du-Pont, à moins de 10 km du monastère. La vente de liqueurs devient alors le revenu principal des moines.
Moins de cinquante ans plus tard, la loi de 1901 sur les associations et congrégations religieuses, aura un terrible impact sur l’ordre des Chartreux. En 1903 ces derniers sont expulsés de France.
Une partie des Chartreux vont se réfugier en Espagne et plus précisément à
Tarragone. Ils emportent avec eux le précieux grimoire. Avec l’aide des catalans ils purent reprendre la production dans ce nouveau lieu. De 1921 à 1929 des moines produisirent également une eau de vie à Marseille sous le nom de «Tarragone». Une période encore très floue de l’histoire de la Chartreuse. C’est près de trente ans après leur expulsion, en 1930 que les religieux purent enfin reprendre officiellement la production depuis Fourvoirie. En parallèle, jusqu’en 1989, la production à Tarragone continua.
Les distilleries passent,
la Chartreuse demeure
En 1935, cinq ans seulement après leur retour, les moines durent de nouveau
déménager. Cette fois un glissement de terrain signa la fin de la production à Fourvoirie. Les religieux transférèrent alors leur distillerie à Voiron dans un lieu déjà propriété de l’ordre. La proximité de la gare est idéal pour poursuivre la fabrication et l’expédition des liqueurs.
2017 est une année qui marque aussi l’histoire de la Chartreuse. Un nouveau déménagement se prépare…
Les Chartreuses seront produites à Voiron de 1935 à 2017…
Projet Grand Avenir
82 ans après la première production de Chartreuse à Voiron l’histoire de la liqueur vit un nouveau tournant.
L’évolution de la réglementation de la production d’alcool pousse les moines à un nouveau déménagement. En effet le stockage de plusieurs milliers de litres d’alcool fort en pleine ville devient un problème de sécurité pour les autorités. Le lieu de fabrication doit donc s’éloigner de Voiron.
C’est sur la commune d’Entre-deux-Guiers, sur le site d’Aiguenoire que continuera l’histoire des liqueurs de la Chartreuse.
Le bâtiment est une ancienne grange, autrefois propriété des Chartreux. Avant la révolution française les religieux y effectuaient des activités piscicoles et agricoles pour subvenir à leurs besoins.
Leurs trois principes sont respectés :
pérennité, sobriété et symbolique.
Afin d’accompagner les Chartreux dans ce grand changement tout en préservant l’esprit si particulier de la liqueur, le projet « Grand Avenir » a été élaboré.
Ainsi l’utilisation de matériaux durables, le savoir-faire d’artisans qualifiés sont privilégiés, et l’intégration des bâtiments dans le paysage est une des priorités du projet Grand Avenir.
La symbolique des lieux est similaire à celle du monastère : chaque lieu a un rôle bien précis. Les trois bâtisses serviront donc au partage, à la distillation et au vieillissement des liqueurs.
L’inauguration de ce nouveau lieu de production est prévue pour août 2018. Horizon 2020 la mise en bouteille et l’expédition se feront également sur le site d’Aiguenoire.
Parallèlement le site de Voiron se transforme aussi. Son but sera l’accueil de tous les curieux…
Un musée dédié à la liqueur des Chartreux permettra d’explorer les 9 siècles de son histoire. Un bar permettra de parfaire ses connaissances en s’initiant à la dégustation et à la création de cocktails.
Enfin un restaurant bistronomique ouvrira ses portes.
De quoi compléter l’expérience gastronomique !